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ETAT DES LIEUX DE LA GESTION DES DEEE AU BURUNDI, EXERCICE 2019

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  1. 1.CONTEXTE ET JUSTIFICATION

L’évolution rapide de la technologie au cours de ces dernières années a indéniablement contribué à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité. Cependant, cette évolution a symétriquement entrainé de nombreuses conséquences écologiques, notamment la production et l’accumulation des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) dangereux pour la santé humaine et l’environnement. Dans les pays en développement (PED), ces DEEE ne subissent qu’une valorisation traditionnelle et artisanale à cause de l’insuffisance des ressources financières, techniques et logistiques, exposant ainsi les populations à de graves conséquences sanitaires.

Pour assurer la continuité et améliorer la qualité des données mondiales sur les statistiques relatives aux déchets d’équipements électriques et électroniques, l’Union internationale des télécommunications, l’Université des Nations Unies et l’Association internationale des déchets solides ont uni leurs forces en créant le Partenariat mondial sur les statistiques relatives aux déchets d’équipements électriques et électroniques. Le principal objectif de ce partenariat est de recueillir, d’analyser, d’améliorer et de publier les statistiques relatives aux DEEE partout dans le monde.

 

L’objectif principal de ce rapport annuel des statistiques des DEEE est de contribuer à l’amélioration de la gestion des DEEE au Burundi afin de protéger les populations et l’environnement des substances nocives contenues dans ces déchets.

Les déchets électriques et électroniques sont produits tant par les secteurs public et privé que par les particuliers.

 

Les réseaux et services mobiles cellulaires et à large bande connaissent un développement rapide et permettent à un plus grand nombre de personnes, en particulier dans les zones rurales et dans les zones auparavant non connectées, d’avoir accès à l’Internet[1] :

 

  • Près de 3,6 milliards de personnes – soit près de la moitié de la population mondiale utilisent aujourd’hui l’Internet. ;
  • 7,7 milliards d’abonnements au mobile cellulaire dont 4,2 milliards d’abonnements actifs au large bande mobile dans le monde ;
  • Plus de 80% de la population mondiale est desservie par un signal de téléphonie mobile cellulaire ;
  • 54% des ménages ont un accès à l’Internet à leur domicile ;
  • 48% possèdent un ordinateur.

 

La réduction de la fracture numérique par les pays en voie de développement, permettra l’entrée sur leur territoire d’importantes quantités d’Equipement Electriques et Electroniques de seconde main d’où le taux élevé de la production des DEEE.

 

Il est conseillé aux pays en développement, qui sont les principaux destinataires des équipements TIC d’occasion, de mettre en place des guides techniques spécialisés édictés par les organisations internationales en matière d’importation des EEE.

 

  1. 2.Etat des lieux de gestion des DEEE au Burundi

 

  1. 2.1.Revue du cadre institutionnel

L’évolution des flux entrants de produits électriques et électroniques, généralement en fin de vie, a atteint des proportions assez inquiétantes au Burundi.

Avec l’avènement de la migration de l’analogique au numérique, l’augmentation du volume des DEEE se fait ressentir.

 

v  Sur le plan national :

 

Au Burundi, le flux important d’équipements électriques et électroniques entrant régulièrement sur le territoire est un facteur de développement socio-économique du pays. Mais au-delà de cet aspect, la question est de savoir la destination de ce matériel une fois qu’il est hors d’état d’usage.

La mise au rebut de ces types de déchets entraîne nécessairement des effets néfastes sur l’environnement et la santé publique compte tenu de la présence d’un certain nombre de polluants dans leur composition chimique. Or, il n’existe pas aujourd’hui au Burundi de réglementation spécifique aux produits électriques et électroniques en fin de vie.

Toutefois, il existe des lois générales[2] qui ont des liens plus ou moins directes avec la gestion déchets électroniques et électriques notamment :

  • La Loi n° 1/01/010 du 30 Juin 2000 portant Code de l’Environnement ;
  • Décret-Loi N°1/16 du 17 Mai 1982 portant Code de la Santé Publique ;    
  • Décret-Loi N°1/037 du 7 juillet 1993 portant révision du Code du travail du Burundi ; etc.

Le Burundi s’est ensuite inscrit dans la dynamique mondiale des Objectifs de Développement durable (ODD) en s’appropriant du nouveau programme de développement durable très ambitieux et qui pose d’immenses défis pour sa mise en œuvre. Ainsi, le Burundi a fixé ses priorités et a élaboré un plan national d’opérationnalisation des ODD afin d’optimiser les chances de les atteindre. L’objectif 12[3] « instaurer des modes de consommations et de production soutenables » a retenu parmi ses cibles l’un relatif à la préservation de l’environnement. Il s’agit de la Cible 12.4 « d’ici à 2020, instaurer une gestion écologiquement rationnelle des produits chimiques et de tous les déchets tout au long de leur cycle de vie, conformément aux principes directeurs arrêtés à l’échelle internationale, et réduire considérablement leur déversement dans l’air, l’eau et le sol, afin de minimiser leurs effets négatifs sur la santé et l’environnement ».

v  Sur le plan régional :

Au niveau régional auquel le Burundi appartient, on a mis en œuvre quelques instruments régionaux relatifs à la gestion des DEEE. On peut citer notamment :

 

  • La directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques qui vise à prévenir la production de déchets d’équipements électriques et électroniques et à promouvoir la réutilisation, le recyclage et les autres formes de valorisation afin de réduire la quantité de déchets à éliminer ;

 

  • Directive 2011/65/UE relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques. Elle vise à imposer des restrictions à l’utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques, à protéger la santé humaine et à promouvoir la valorisation et l’élimination écologiquement rationnelles des déchets d’équipements électriques et électroniques ;

 

  • La Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer en Afrique des déchets dangereux et sur le contrôle des mouvements transfrontiers et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique entrée en vigueur en 1998, etc.

 

La stratégie de gestion des déchets électriques ou électroniques de l’EACO définit les stratégies prioritaires ainsi que les actions spécifiques de gestion des déchets électriques ou électroniques dans les États membres de l’EACO. La stratégie régionale promeut le principe de la responsabilité élargie des producteurs afin de financer la collecte et le traitement appropriés des déchets électriques ou électroniques dans la région. La stratégie régionale assurera l’harmonisation des politiques et des cadres légaux dans les États membres de l’EACO, la mise en place des infrastructures régionales et la facilitation des mouvements transfrontaliers de déchets électriques ou électroniques dans la région.

 

La Vision de la stratégie est « Vers un impact négatif zéro des déchets électriques ou électroniques dans les Etats membres de l’EACO en 2030 ».

 

v  Sur le plan international :

Le Burundi a ratifié les conventions internationales relatives à la gestion des déchets dangereux entre autres :

– La convention de Bâle (1989)[4] sur le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et leur élimination écologiquement rationnelle : La Convention de Bâle est un traité international qui a été conçu afin de réduire la circulation des déchets dangereux entre les pays[5]. Il s’agissait plus particulièrement d’éviter le transfert de déchets dangereux des pays développés vers les pays en développement (PED). La convention a aussi pour but de réduire au minimum la quantité et la toxicité des déchets produits, et d’aider les PED à gérer de façon raisonnable les déchets qu’ils produisent (nocifs ou pas).

Cette convention vise trois grands principes[6] à savoir :

  • Réduire des mouvements transfrontières de déchets dangereux,
  • Réduire au minimum la production des déchets,
  • Interdire leur envoi vers les pays n’ayant pas les moyens d’éliminer les déchets dangereux de façon écologiquement rationnelle.

– La convention de Rotterdam (2005) sur le consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international ;

– L’Accord de Genève signé le 17 juin 2006 pour la transition de l’analogique vers le numérique.

Tous comme les autres pays, le Burundi a signé l’Accord pour dire que les autres appareils deviendraient des déchets auxquels le pays doit faire face.

Des initiatives ont été menées pour pallier à ce défi notamment :

  • La mise en place d’un comité de pilotage pour la gestion des DEEE au Burundi,
  • L’élaboration d’un projet de décret portant réglementation de la gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) au Burundi, etc.

 

  1. 2.2.Centre de gestion des Déchets d’équipements électriques et électroniques

L’association GLICE (GREAT LAKES INITIATIVES FOR COMMUNITIES EMPOWERMENT) -BURUNDI en charge de la gestion écologique des déchets d’équipements électriques et électroniques au Burundi a eu l’autorisation du Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme pour prendre soins de la collecte et la gestion des DEEE au Burundi.

Avec un appui de la fondation du Roi Baudouin, l’Association GLICE a initié un projet : « Education au service du cycle des déchets électroniques au Burundi ». Ce projet a pour objectif principal d’offrir au Burundi une solution quant à la gestion écologiquement rationnelle des équipements électriques et électroniques en fin de vie. Elle dispose également d’un centre de gestion des déchets d’Equipements Electriques et Electroniques.

  1. 2.2.1.Les activités du centre

Les activités du centre sont la sensibilisation, la collecte, transport, enregistrement, tri, test, réparation, démantèlement, stockage, valorisation locale des fractions pures, la formation, l’insertion socio-professionnelle des jeunes.

Au cours de l’exercice 2019, l’association GLICE a également intervenu dans plusieurs domaines à savoir :

v  L’intégration des jeunes engagés dans les activités de collecte, d’enregistrement, de tri, de test et réparation et enfin de démontage ;

v  L’accueil des élèves en provenance des écoles techniques pour des stages pratiques ;

  • Une formation en perfectionnement professionnel aux jeunes a été organisé en collaboration avec ADISCO ;
  • La collecte de 65 tonnes d’équipements électriques et électroniques obsolètes ;
  • La sensibilisation des compagnies de téléphonie mobile et fournisseurs d’accès internet en Partenariat avec l’ARCT, etc.

L’association GLICE à travers le centre de gestion des DEEE, compte élargir ses activités pour arriver à gérer les déchets solides spéciaux tels que mentionné dans la politique Nationale d’Assainissement du Burundi (PNA).

 

  1. 2.2.2.Analyse des DEEE collectés

Les tableaux et graphiques ci-dessous nous montrent l’état des lieux de l’évolution des DEEE pour l’exercice 2019.

 

Tableau no1 : Données collectées de janvier à décembre 2019

 

Année 2019 Quantité collectée (kg)
Janvier 1005,5
Février 895
Mars 3855,3
Avril 4 217,7
Mai 10 416,5
Juin 627,8
Juillet 978,8
Août 625,6
Septembre 8 445,9
Octobre 5 482,25
Novembre 12 600
Décembre 15 850,45

Source : GLICE- BDI

Graphique no1 : Evolution des quantités collectées au cours de l’année 2019.

Source : Construit à partir du tableau 1

Après analyse du graphique précédent, on observe une augmentation de la collecte les deux dernières mois (novembre et décembre 2019).

Ces déchets proviennent des entreprises, des institutions et organisations et une quantité minime des ménages.

Les fractions collectées doivent être répertoriées sur des fiches : cette opération consiste à indiquer l’origine des DEEE, la désignation, la marque, le numéro de série et le modèle.

Tableau no2 : Les DEEE collectés dans les six dernières années (2014-2019)

Années Volume (en kg)
2014 9 185
2015 29 825
2016 35 680
2017 112 218
2018 29 610,77
2019 65 000,8

Source : GLICE BDI

 

Graphique no2 : Evolution des DEEE sur 6ans (2014-2019)

Source : construit à partir du tableau no2

Le graphique montre que les déchets électroniques collectés ont sensiblement augmenté au cours de l’exercice 2019. La quantité collectée au cours de l’année 2019 a augmentée de plus de la moitié par rapport à l’année précédente, passant de 29 610,77 kg en 2018 à 65 000,8 kg en 2019, soit une augmentation de 119,5%.

  1. 2.2.3.Le traitement des fractions collectées.

Les fractions collectées par l’Association GLICE-BDI sont stockées par catégories

Fractions ferraille aluminium cuivre Plastique Equipement reconditionné Fractions complexes total
Quantités(kg) 24 700,304 3 250,04 5 200,064 1 3000,16 9 750,12 9 100,112 65 000,8
Pourcentage 38% 5% 8% 20% 15% 14% 100%

 

  • Les fractions pures (ferraille, aluminium, cuivre) ont été valorisées au Burundi ;
  • Les fractions (plastiques) sont stockées au Centre ;
  • Les équipements reconditionnés et les pièces de rechanges vont servir encore dans leur état ;
  • Les fractions complexes sont stockées au centre et doivent être exportées pour la valorisation et la dépollution.

 

Bien que les efforts aient été fournis par le centre de collecte, les défis n’en manquent pas on peut citer notamment :

v  La nécessité d’un centre adapté pour la collecte, le démantèlement, le stockage, etc. ;

v  L’absence d’un cadre légal et cela constitue un handicap pour la collecte car certaines organisations et sociétés vendent les DEEE aux enchères, ce qui cache la traçabilité des données collectées d’où le manque de données fiables des DEEE ;

v  Les difficultés liées à l’exportation des fractions pour la valorisation et dépollution ; etc.

En assurant la synergie entre différents acteurs du secteur et l’Association GLICE-BDI, les collectes des DEEE pourrait être augmentées pour l’exercice 2019.

Après analyse de l’évolution des DEEE au Burundi, une série de suggestions a été proposée en vue d’améliorer le suivi de la gestion écologiquement rationnelle de ces déchets.

 

  1. 3.Suggestions pour l’amélioration de la gestion des DEEE      

La gestion des déchets électroniques et électriques est une question préoccupante tant internationale, régionale et nationale d’où une synergie des parties prenantes s’avère indispensable. Le Burundi fait face actuellement à un défi de taille de la gestion des équipements électriques et électroniques résultant de la migration de l’analogique vers le numérique.

Au niveau de la Communauté Est Africaine (EAC), l’East African Communication Organizations (EACO), une structure régionale s’est saisie de la question, et travaille avec les agences de régulations des pays membres à l’élaboration d’un plan stratégique régionale concernant la gestion durable des DEEE. Des ateliers régionaux ont été réalisés, le 4ème Atelier Régional sur les DEEE s’est tenu au Burundi en date du 18 au 20 mars 2019.

A l’endroit du Burundi, les suggestions formulées sont les suivantes :

  • Mettre en place une législation nationale relative aux déchets électriques et électroniques fondée sur le principe de la responsabilité élargie du producteur (une responsabilité (physique et/ou économique) en ce qui concerne le traitement ou l’élimination des produits au stade postconsommation) ;
  • Instauration d’un éco taxe sur les importations d’équipements électriques et électroniques de seconde main ;
  • Entreprendre une enquête/étude sur les déchets électroniques pour produire des statistiques nationales en vue d’aider à la planification, à la prise de décision et d’investissement ;
  • Identification des sources de financement pour assurer la gestion écologiquement rationnelle des DEEE ;
  • Mettre en place un plan de mise en œuvre de la stratégie régionale de EACO sur la gestion des déchets électroniques ;
  • Renforcer les capacités et la formation des différents acteurs afin qu’ils puissent obtenir des informations pertinentes ;
  • La sensibilisation des intervenants et des partenariats avec le secteur informel ;
  • Nouer des partenariats avec le milieu universitaire pour la recherche/statistiques ;
  • Développer une stratégie de communication et d’engagement des parties prenantes sur la gestion des déchets électriques ou électroniques.

 

  1. 4.CONCLUSION

La collecte des déchets d’équipements électriques et électroniques au Burundi reste un défi de taille car les statistiques susmentionnées sont toutefois incomplètes, car le secteur informel collecte les données à ce sujet. De plus, on mesure généralement les déchets électriques et électroniques en fonction de leur poids, ce qui ne permet pas de refléter la dangerosité éventuelle d’un produit donné sur le plan écologique.

 

En définitive, les statistiques sur les déchets électriques et électroniques ne rendent pas compte de la quantité considérable de déchets et de pollution engendrée par l’extraction ou le transport des matières premières servant à la fabrication des produits électroniques et électriques ou au recyclage de ces déchets.

 

Une sensibilisation des parties prenantes du secteur des TIC, de la population, des industriels, des réparateurs des équipements électriques, électroniques, de télécommunications /TIC, etc. sur les dangers des DEEE s’avère indispensable.

 

 

                                        

 


[1] Rapport UIT SUR « Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques et Objectifs de Développement Durable »

[2] Le rapport produit sur l’élaboration d’un décret portant réglementation de la gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) au Burundi.

[3] Rapport provisoire de priorisation et de la contextualisation des cibles des objectifs de développement durable

[4] www.basel.int/Portals/4/Basel%20Convention/docs/text/BaselConventionText-f.pdf

[5] www.basel.int/Portals/4/Basel%20Convention/docs/text/BaselConventionText-f.pdf

[6] www.basel.int/Portals/4/Basel%20Convention/docs/text/BaselConventionText-f.pdf